Le blog
Le passé retrouvé
de mon grand-père
1ère partie
Je vous raconte dans cet article comment j’ai retrouvé le passé de mon grand-père, qui était pupille de l’assistance publique.
Au-delà de l’affection que je porte à ma famille et qui m’a poussé à faire ma généalogie, je crois que c’est l’ignorance du passé de mon grand-père paternel qui a été le point de départ.
On m’a toujours dit qu’il n’avait pas de parents. Sa mère, qu’il aurait connu, l’a abandonné quand il était enfant. Il était assez grand pour s’en rappeler. Il disait qu’il avait eu une sœur. Il n’a jamais revu personne et n’a pas été adopté. Son enfance a été vraiment difficile, entre familles d’accueil où il devait travailler à la ferme et les foyers pour enfants. Je me suis toujours demandée pourquoi sa mère l’avait abandonné. A-t-elle était contrainte ? Pour quelles raisons ? Etait-elle malade ? A-t-elle pas chercher à le revoir ?
Sans jugement, j’avais juste besoin de comprendre. Je ne crois pas que mon grand-père ne se soit jamais remis des traumatismes de son enfance. Il parlait si peu.
Aussi loin que je me rappelle, les gens nous demandait à chaque fois qu’on donnait notre nom : « Et d’où ça vient ce nom ? d’Alsace? d’Allemagne ? » Et pour nous, toujours la même réponse : « On ne sait pas ; notre grand-père a été abandonné. » C’est donc assez tôt que je me suis demandée d’où venait ce patronyme qui était le mien. Mon nom de famille est SPECK. Une consonnance germanique pour une famille du sud, cela a vraiment éveillé ma curiosité !
A l’adolescence, j’ai rencontré une grand-tante qui nous a raconté ses souvenirs qu’elle avait de mon grand-père (son beau-frère) Cela a encore suscité chez moi un vif intérêt : mon grand-père a été maquisard lors de la seconde guerre mondiale. Qu’elle fierté d’apprendre qu’il avait été résistant !
Un ami à lui, qui était écrivain et s’appelait Ralph Corbedanne, a même écrit un livre à ce sujet. Il raconte cette période dans le maquis du Haut Var, où mon grand-père avait choisi le surnom de Tulipe. La tante Marcelle pensait avoir un exemplaire de ce livre à la cave mais elle est décédée peu de temps après et je n’ai jamais pu le récupérer.
Le seul indice que j’avais obtenu : l’auteur aurait été récompensé pour son livre Au sud rien à signaler en 1942. A cette époque, Internet n’était pas arrivé dans nos foyers, ni bibliothèques. J’ai donc gardé ces informations dans un coin de ma tête avec l’idée que j’allais un jour rechercher ce livre.
Au sujet de la sœur de mon grand-père, je me suis également questionné tout au long de ma vie : A-t-elle vraiment existé ? A-t-elle survécu ? Pourquoi mon grand-père et elle ont-ils été séparés ? Est-ce que leur mère n’a abandonné que son ainé et a gardé la petite sœur ? Je n’imagine même pas tout ce que mon grand-père a pu imaginé ou interprété…
Photographie ancienne de l’hospice de Draguignan où est né mon grand-père
Qui était mon grand-père ?
Il s’appelait Roger et il est né à Draguignan (Var) début des années 20. On m’a racontté qu’il a été abandonné par sa mère alors qu’il est âgé entre 10 et 14 ans. L’assistance publique du Var l’a placé en familles d’accueil où il travaillait comme garçon de ferme. Puis il entre dans la résistance vers 18 ans, et dès la fin de la seconde guerre mondiale, il s’engage dans la guerre d’Indochine. Il est renvoyé en France un an après car il souffre de maladies tropicales. Il se marie avec ma grand-mère Raymonde, qu’il aurait connu pendant la résistance. D’ailleurs, ils s’installent à Valderoure, à quelques kilomètres de son ancien camp maquisard.
Il auront 7 enfants vivants, dont mon père, qui est l’ainé. Ils ne resterons pas à Valderoure car en se rapprochant du littoral, mon grand-père trouve du travail comme chauffeur de poids lourds. Ils habiteront toute leur vie à La Colle Sur Loup, un très joli village que j’affectionne car j’y ai passé une grande partie de mon enfance.
Je ne me rappelle pas beaucoup de lui. De sa présence imposante, oui. De sa grosse voix aussi et ce regard souvent songeur. Je me souviens qu’il était très silencieux. J’étais très jeune et comme ils vivaient avec mes deux tantes célibataires, mes grands-parents restaient en retrait et ce sont elles qui s’occupaient de nous, les petit-enfants. Ils n’étaient pas des papis et mamies d’aujourd’hui. Ils étaient Pépé Colle et Mémé Colle. Ma grand-mère était malade et nous a quitté pour mon 12e anniversaire. Mon grand-père l’a suivi un an plus tard. Je pense qu’il ne supportait pas la vie sans elle. Il avait 72 ans.
Je regrette beaucoup de ne pas avoir posé de questions. Mais j’étais bien trop jeune pour m’intéresser à la vie de mes grands-parents. Personne n’a cherché à en savoir plus sur leur passé. J’ai pris le temps de grandir, mais mon désir de mieux connaître ce passé caché ne m’a jamais quitté.
La grande rue de la Colle sur Loup d’antan
Je m’interesse à ma généalogie alors que je deviens adulte
Ma tante paternelle, qui s’est occupée de mon grand-père me confie un jour, alors qu’elle fait du rangement chez elle, les papiers d’identité de « pépé Colle » dans sa boite de militaire en métal. Dans son livret de famille, je lis pour la première fois les mots « Pupille du Var » à la place du nom de ses parents. Cela suscite chez moi un besoin de SAVOIR.
En feuilletant son livret militaire, je découvre que le nom de sa mère est inscrit sur son état civil : Reine Françoise Speck. Ainsi, il a bien été reconnu. Je comprends qu’elle était mère célibataire. J’imagine qu’elle était trop jeune ou en extrême précarité pour pouvoir l’élever, n’étant pas marié.
J’ose commander l’acte de naissance de mon grand-père maintenant que je sais qu’il a été reconnu. La mairie de Draguignan me l’envoie quelques jours plus tard. Il est bien inscrit qu’il est le fils de Reine, pupille du Var, agée de 17 ans, et de père inconnu.
J’ai mis de côté ces informations jusqu’en 2020. Alors que mon père vient de décéder, le confinement lié à l’arrivée de la pandémie Covid m’a offert du temps. Beaucoup de temps. C’était le bon moment pour moi de mon plonger dans le passé familial.
Les découvertes s’enchainent…
D’abord, j’ai pensé à rechercher ce livre qui parlait de mon grand-père dans le maquis. J’avais trouvé dans des recherches sur internet le titre du roman que je recherchais : Le Chant des Réprouvés. Ecrit en 1946, il parlait bien du maquis alors que tous les autres publications de Ralph Corbedanne était des romans policiers. Ce livre n’est plus édité, il me faut donc le rechercher d’occasion. Comment retrouver un livre datant de 75 ans ?… Est-ce un miracle, ou un signe du Ciel ? J’ai de suite trouvé un exemplaire en vente sur Ebay. Oh joie ! Je le commande aussitôt et le reçois quelques jours plus tard. Ma joie est au comble : le livre est dédicacé de l’auteur pour le chef de la Résistance du camp d’Arturby (au Logis du Pin), le Lieutenant Roger Beaudoin ! La lecture fut rapide tant j’avais besoin de savoir ce que mon grand-père avait enduré.
Je découvre quelques descriptions de lui étant jeune
« Dans un coin de la cour, un partisan aux joues replètes semblait méditer. Il déambulait en levant vers le ciel des yeux ccandides, parfois un sourire venait dérider sa face réjouie. »
« Ce phénomène ! Il a une bille de lune et l’air toujours satisfait. Je suis sûr qu’il navigue dans les nuages. On croit le posséder et il ne fait que ce qu’il lui passe par la tête. Il écoute gentiment ce qu’on lui raconte et vous balance, à la fin, un proverbe idiot qui flanque votre pastis par terre. Brutus dit que c’est « un pur », une sorte d’illuminé. Il n’a peur de rien, il ne comprend pas le danger. Cet espèce de numéro est devenu maquisard à cause d’un chien qui s’appellait Tulipe ! »
« Il est un peu comme un enfant qui vient de naitre »
J’ai découvert toute cette histoire avec beaucoup d’émotions.
C’est parallèlement que je commence à construire mon arbre généalogique sur Filae.com
Je rentre les données que j’ai déjà sur ma lignée maternelle. J’ai quelques générations dans mon arbre car j’avais déjà entrepris des recherches quelques année plus tôt (et surtout récupéré celles d’un cousin !) Ma lignée paternelle reste, quant à elle, bien pauvre… J’entreprends alors ma première recherche sur le logiciel de généalogie : Reine Françoise. Une personne sort dans la recherche. Les données INSEE recensent en effet les personnes décédées en France après 1970 et indiquent les dates de naissance et de décès avec leur lieux respectifs. Reine a vécu jusqu’en 1986. L’année et le lieu de naissance correspondent également. Il n’y pas de doute. C’est bien elle !
Je ne perd pas un instant pour commander son acte de naissance à la mairie de Toulon, maintenant que j’ai obtenu ces informations, le sésame du généalogiste.
Je le reçoit rapidement et découvre tant d’informations : le nom de ses deux parents, leur âge respectif et leur adresse. Bien que pupille, elle a aussi été reconnue par ses parents. Elle est probablement devenue orpheline ? Je lis aussi qu’elle s’est mariée en octobre 1946, à l’âge de 40 ans. Tant de nouvelles questions arrivent.
Mais mon objectif pour le moment est la recherche agnatique de ma lignée : remonter mon patronyme pour découvrir d’où nous venons. A suivre…