Le blog
Qui était Ralph Corbedanne ?
Qui était Ralph Corbedanne ?
Je me pose cette question depuis l’âge de 15 ans où l’on m’a parlé de lui et de ses romans. Il était l’ami de mon grand-père Roger. Parait-il qu’il se sont rencontrés dans le maquis au Logis du Pin.
Ralph Corbedanne est un écrivant et journaliste français né en 1893 et qui vécut à Nice une partie de sa vie. Il y a si peu d’informations disponibles sur lui que j’ai décidé d’enquêter puis partager le résultat de mes recherches sur ce personnage, totalement oublié du grand public.
Témoignages divers, recherches et prises de contact sur internet, fouilles dans les archives de presse, d’état civil, … Voici le début de mon enquête !
J‘ai déjà évoqué l’écrivain Ralph Corbedanne dans cet article qui parle de mon grand-père Roger.
On m’a raconté que Mr Corbedanne a écrit un roman qui raconte un camp de résistants dans le maquis situé dans le Haut-Var vers l’Artuby près du Logis-du-Pin. C’est là qu’il aurait rencontré mon grand-père paternel. Ma grand-tante Marcelle pensait avoir un exemplaire de ce livre à la cave mais elle était âgée et n’a pu chercher ce livre avant son décès, peu de temps après. Je n’ai jamais pu récupérer l’ouvrage.
Le seul indice que sa mémoire pouvait me révéler : l’auteur aurait été récompensé pour son livre Au sud rien à signaler en 1942, retraçant la bataille de Menton. A l’époque de nos échanges, Internet n’était pas arrivé dans nos foyers, ni bibliothèques. J’ai donc gardé ces informations dans un coin de ma tête avec l’idée que j’allais un jour rechercher ce livre.
C’est vers 2016, lorsque je retrouve une partie de l’identité de mon aïeul qui était pupille, je me met à rechercher en parallèle ce roman de Ralph Corbedanne, parlant du maquis. Sur internet, dans les ventes d’occasion, on trouve certainstitres écrits par l’auteur à vendre. Mais quel était le titre de l’ouvrage que je recherchait ? Il fallait déjà obtenir cette information.
C’est sur le site Babelio que je trouve les premières informations concernant Corbdeanne et l’on y cite le livre que je cherche (…) une fresque magistrale sur la guerre du maquis « Le Chant des Réprouvés ».
Aucun exemplaire n’était à vendre sur les plateformes d’occasion sur internet. Je devais donc essayer d’obtenir une copie d’archive numérisée auprès de la Bibliothèque Nationale Française.
C’est en effet sur le site de la BNF que sont répertoriés tous les ouvrages édités en France. Ces documents sont également numérisés et on peut parfois obtenir une copie. J’y ai donc trouvé la liste complète des titres édités que l’auteur a écrit. Le chant des réprouvés n’est pas libre de droits donc je ne peux pas obtenir de copie. En France, la loi prévoit qu’un livre tombe dans le domaine publique 75 ans après la mort de son auteur, s’il n’y a pas d’ayants-droits.
Voici tous les titres de Ralph Corbedanne
« Le Gardien de l’Image » (1943), sur la révolution espagnole ;
« Le Hasard est Maître » fiction écrite en 1942 ;
« Le Dernier Templier » roman (1943) et réédité en 1982 ;
« Au Sud rien à signaler » (1945), sur la bataille de Menton (et non 1942 comme le pensait tante Marcelle !) ;
« Le Chant des Réprouvés » (1946), sur le maquis pendant la guerre ;
« Enquête Policière dans la Quatrième Dimension » roman policier écrit et primé en 1947 (voir ci-dessous) ;
« Un Problème sur Trois Notes » roman policier (1950) ;
« Énigme dans le Temps Perdu » (1958) roman policier avec Sherlock Holmes.
Il a aussi écrit la préface de « L’horrible dragon invisible, (voyage excentrique de Marius Barbencanne » (1954) de Jan-A. Rey
Il existe également 2 documents archivés :
« Correspondance entre Serge Sandberg et Ralph Corbedanne concernant la réalisation de Crimes sur trois notes (4-COL-59(708)) » avec Ralph Corbedanne comme Auteur de lettres ;
« La Piste du soleil. Réalisation de Ralph Corbedanne. Lettre de Ralph Corbedanne à Serge Sandberg (4-COL-59(774)) » avec Ralph Corbedanne comme Auteur de lettres.
Mon enquête familiale
Et que savons-nous de la vie de l’auteur ?
Pas grand-chose ! C’est auprès de mes tantes que j’en apprends un peu plus en les questionnant. Elles étaient toutes petites mais l’une d’entre elle se souvient de la fin des années 50 : « Il était venu de Nice jusqu’à notre maison [à La Colle-sur-Loup] avec sa voiture à traction. Il nous avait tous enmenés passer la journée chez lui au Logis-du-Pin, avec sa femme. Ils n’avaient pas d’enfant. C’était un gentil monsieur assez âgé qui s’entendait très bien avec mon père »
J’ai retrouvé une unique photo (ci-dessus) de Ralph Corbedanne avec mes grands-parents et mon père, nourrisson, dans sa propriété au Logis-du-Pin. On le voit déjà alors âgé de 56 ans en 1949.
Il est donc évident que mon grand-père et lui étaient très liés puisqu’il semble présent dans les grands évènements de la vie de mon aïeul. Mon grand-père était pupille. Il n’avait aucune famille. Je pense que l’auteur a été une figure paternelle pour lui. Lors de mes recherches généalogiques, j’ai découvert d’ailleurs que Ralph Corbedanne était son témoin de mariage en 1947 ! Voici ce qu’il est inscrit « Ralph Corbedanne, administrateur de société à Nice, 8 rue Paul Déroulède«
Et l’adresse de ma grand-mère Raymonde sur l’acte de mariage est aussi celle-ci ! Je ne suis pas étonnée car on m’a dit que ma grand-mère, ou sa soeur Marcelle ?, (j’ai entendu les 2 versions) était femme de ménage chez les Corbedanne à Nice et que mes grands-parents se sont rencontrés par l’intermédiaire du couple. C’est donc grâce à Ralph Corbedanne que j’écris ces lignes aujourd’hui. Il était bien normal que je parle de lui. J’aimerai qu’il puisse retrouver la notoriété qu’il a probablement connu en son temps.
Les Editions Ludographiques Françaises
Je me suis demandée par la suite si Monsieur Corbedanne n’était pas aussi le propriétaire des Editions Ludographiques Françaises (ELF) à Nice et qu’il se serait donc auto-édité. Ce n’est qu’une supposition et je recherche encore toute information concernant cette maison d’édition niçoise qui n’existe plus aujourd’hui.
Son siège social se trouvait eu 25 avenue Aubert à Nice et l’imprimerie se situait au 21 rue Meyerbeer à Nice.
Le Chant des Réprouvés sort de l’ombre !
Quand j’ai repris mes recherches généalogiques en 2020, j’ai eu la chance de trouver sur internet, vraiment par hasard, le roman Le Chant des Réprouvés en vente d’occasion !
Le livre est, de plus, dédicacé par l’auteur pour le chef du camp maquisard : « Au lieutenant Roger Beaudouin, chef de la Résistance du Logis du Pin, cette aventure romancée au front des maquisards. En souvenir de notre camp d’Artuby et en cordial hommage » Nice, le 28 décembre 46
Cela confirme donc les témoignages obtenus : Ralph Corbedanne a participé au camp maquisard du Logis-du-Pin où était mon grand-père.
Sa lecture me pris peu de temps : le livre était si bien écrit ! J’ai été tellement émue de lire d’aussi jolies phrases pour raconter une histoire si atroce. Tous ces jeunes gens morts pour la France, dans l’anonymat le plus total, alors que la population les méprisaient à cette époque, craignant les représailles nazies à chaque acte de rebellion de la résistance. Il y a là un devoir de mémoire à entretenir…
Farfouille dans les archives de presse
L’étape suivante dans mon enquête consistait à rechercher des informations sur l’écrivain niçois à travers des archives de presse.
Il est ressorti sur Gallica tous les articles concernant le Grand Prix du Roman Policier qu’il a reçu en mars 1947. (Photos ci-contre et ci-dessous) Le grand moment d’émotion : son portrait est en photo dans l’article de La France Libre en mars 1947 ! Quelle joie de découvrir enfin le visage de cet homme qui a indirectement compté dans ma vie. (Car sur la photo de famille ci-dessous, je ne savais pas que c’était lui. Aucun nom n’était inscrit. C’est grâce à la photo de l’article et l’utilisation d’un scanner HD que j’ai pu comparer les visages et confirmer que l’homme debout près des mes grands-parents était l’écrivain Corbedanne.)
On apprend dans cet article que l’auteur est âgé de 54 ans (Il est donc né en 1893). Il a gagné 100 000 Francs pour le prix du Roman Policier. 100 000 anciens francs de 1954 équivalent à 2432,45 € de 2022 en prenant en compte l’inflation.
Mais on lit aussi qu’il n’a pu être présent lors de la remise du prix à Paris car il venait d’avoir un accident de voiture sur Nice, c’est pourquoi il se trouvait immobilisé (peut-être en saurons-nous plus en consultant les archives hospitalières de Nice !)
Recherches avancées
Ralph Corbedanne et les Templiers
Récemment (2023) j’ai trouvé un contact sur internet qui a aussi fait des recherches sur l’auteur et qui m’en a appris un peu plus. En effet, les membres des wikiveilleurs enquêtent sur un supposé trésor des templiers dans un château proche de Castellane, dans le sud-est de la France, sous le nom de « l’énigme de l’île des veilleurs » pour laquelle de nombreux ouvrages sont dédiés à cette quête. Le livre de Ralph Corbdeanne, Le Dernier Templier, mentionne également cette histoire…
Voici ce que l’administrateur du site m’a appris :
« Nous savons peu de choses sur M. Corbedanne, sinon qu’il fût un journaliste et écrivain français qui publia en1943 le roman intitulé « Le Dernier Templier » (rédigé au Logis du Pin, près de Taulane dans le Var) ainsi que quelques autres ouvrages, … »
« Max Numéral et Mac Launay sont d’autres pseudonymes de l’auteur, sous lesquels il a publié des livres sur la théorie des jeux
intitulés « Le Système du Rempart » et « Courses Hippiques : Le Gain Théorique et Pratique au Tiercé ».
« Nous cherchons notamment à comprendre pourquoi M. Corbedanne situe son roman templier dans le Verdon, alors que la légende à laquelle nous nous intéressons n’a été connue du public que vingt ans plus tard, en 1962.
Nous cherchons à comprendre si ce roman relève de la coïncidence littéraire, ou si il a pu avoir accès à des informations sur le sujet. »
« Nous savons par ailleurs qu’il a rencontré l’ingénieur et auteur belge Alfred Weysen, au point que ce dernier republia « Le Dernier Templier » en 1982 aux Éditions Arcadie (75008 Paris). »
« Enfin, M. Corbedanne dédia Le Dernier Templier à la Comtesse Forgemol de Bosquenard, apparentée à l’homme politique français Edmond Forgemol de Bostquenard (1851-1923). »
La généalogie des Corbedanne
J’ai également cherché à faire la généalogie de Ralph Corbedanne. Mais n’ayant toujours pas trouvé ses dates et lieux de naissance et de décès, je dois d’abord trouver ces informations..
Cependant, j’ai recherché s’il existait d’autres Corbedanne en France. Et là, ça devient très intéressant…
On trouve effectivement une famille à la Ferté-Gaucher en Seine-et-Marne. Le père, Octave Edouard Corbedanne né en 1862, était vétérinaire et a écrit de nombreuses publications médicales. Son fils RAOUL CORBEDANNE est né en 1893, comme notre Ralph Corbedanne ! Non seulement il y a une ressemblance du prénom, (Ralph pourrait ainsi être un nom d’auteur ?) ce RAOUL est décédé en 1975 à Nice… là où vivait RALPH ! Ce qui me pousse à penser que Ralph et Raoul sont le même homme… OU bien, étaient-ils 2 cousins ou frères ?
Mes tantes n’ayant pas de souvenirs de visite chez les Corbedanne après 1975, cette hypothèse tient la route.
Les prochaines recherches à effectuer
C’est pourquoi, ce n’est que par une recherche cadastrale dans les actes notariaux du Logis-du-Pin dans le Var que je pourrai confirmer cette théorie…
Afin d’affirmer ces questionnements et vérifier quel prénom d’état civil utilisait Mr Corbedanne et quel était son lieu de naissance, j’ai aussi besoin de rechercher aux archives municipales de Nice les recensements de la population niçoises aux adresses citées plus hauts dans les années 1943 à 1950 et peut-être plus.
Egalement, je dois me rendre aux Archives départementales du Var pour consulter les recensements au Logis-du-Pin, commune de la Martre.
En publiant cet article sur mon blog, j’ai donc grand espoir d’en apprendre davantage sur Ralph Corbedeanne, autant que de le remettre en lumière.
C’est pourquoi je reprendrais mes recherches dès que j’en aurai le temps. Si vous lisez cet article et que vous détenez toute information sur Ralph Corbedanne, l’homme ou l’auteur, merci de me contacter par mail !
Je suis convaincue qu’on en a encore beaucoup à apprendre sur ce personnage !
